Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 juillet 2020 4 30 /07 /juillet /2020 12:07
Les murs ont la parole : Number de John Rechy, la proie chasseur
   
 
"C'est pour ça que je suis revenu ? Pour me prouver que je peux encore faire le tapin? Autrefois , cette expérience avait été des plus libératrices - susciter assez de désir pou être payé à rester sur un lit, immobile, comme une pierre, pendant qu'un homme lui fourrait la tète entre ses jambes"
Ce livre daté des années soixante et réédité en 2018 chez Laurence Viallet éditions, a pour valeur de témoignage. Le récit détaillé, cru, à la limite de la  pornographie, décrit les pratiques des "chasseurs" du sexe dans les lieux publique.
Number débute comme un thriller, une bagnole dans le désert qui s'approche de la ville que le narrateur -Jhonny- considère comme un "nuage prêt à dévorer", ce questionnement du pourquoi revenir à Los Angeles intrigue le lecteur autant que le départ précipité trois ans plus tôt. Ce départ se dévoile petit à petit : il surprend un jour son regard dans un miroir, un regard mélancolique et plein de solitude. Prise de conscience de n'être qu'un objet du désir des autres , de ne plus avoir prise avec sa propre volonté, ne plus être un humain.
Au bout de trois ans d'exil, l'envie de revenir : "J'avais la conviction que je devais revenir; je crois que c'était pour savoir si j'avais vraiment changé au cours de ces trois dernières années- changé intérieurement -et si je pouvais arrêter de me cacher comme je le fais à Laredo- à être mort de trouille à longueur de temps même quand j'en avais pas conscience."
Une nouvelle page s'ouvre pour lui, celle d'être à nouveau une proie, gratuite cette fois  : "C'est exactement pour ça que je suis revenu à Los Angeles ! Pour me libérer une fois pour toutes ! - parce que c'est à moi qu'il revient de me débarrasser de ce monde- j'avais besoin de savoir que lui me désirait encore mais que moi, je n'avais pas besoin de lui!"
Tout au long du livre, c'est ce cheminement que le lecteur découvre : Jhonny a besoin de se trouver des raisons de revenir, d'être dans ces parcs, d'être un chassé-chasseur ( susciter le désir sans être le chasseur, chasser l'autre sans avoir de geste pour rester la proie) où finalement il s'aperçoit  que durant son exil il n'a réussi qu'à se cacher d'une évidence qui va s'imposer à lui : la frustration de ne plus être désiré. Et c'est cette frustration qu'il va combattre dans une frénésie de consommation de sexe.
Toutes les raisons qu'il tente d'avancer pour justifier le fait de se retrouver à Los Angeles, dans ces endroits glauques, vont transformer la peur de n'être qu'un objet en prisonnier d'un désir qu'il n'arrive plus à contrôler; Jhonny remplace une addiction par une autre, il décide d'un nombre de "conquêtes" à atteindre pour être rassuré, mais au-delà de ce nombre, que va t-il lui faire une fois rassasié ? Un nombre est une limite, résistera t-il à l'envie de le dépasser, et de découvrir ce qu'il y a après ce nombre ? Itinéraire d'un solitaire qui a peur de la solitude, qui la confronte à celles des autres qui brouille les pistes pour ne plus avoir peur de lui-même.
En refermant ce livre je me suis demandé si demain après déboulonné les statues, les nouveaux procureurs de la morale ne vont pas brûler les livres. Si nous savons que cette vie n'était pas celle de la majorité, ce livre reste un témoignage qui en France débouchera sur des roman, de Dustan, Rémès ou Renaud Camus début 80. Politiquement incorrect, ce livre a été écrit par un ancien prostitué qui a puisé dans ses souvenirs et sa vie ( il a terminé sa "carrière" à 60 ans) pour nous offrir une fiction bien réelle.
Number
John Rechy
Traduit de l'américain par Norbert Naigeon
22.50 €
SBN : 978-2-918034-01-8
Editions Laurence Viallet
 
Partager cet article
Repost0

commentaires