A cette heure-ci, l'Oncle Anton était sur la colline dans la pénombre. Il se tenait seul face à un grand chêne. Il attendait que la nuit tombe pour allumer des bougies autour de l'arbre, le salua cérémonieusement et caressa l'écorce :
– Je te salue vieil ami. Au moment où finit cette année, où la nuit va nous emmener vers le jour, je te remercie vieil ami, vieux chêne, témoin de la nature qui nous entoure, je te remercie d'avoir veillé sur notre environnement, de nous avoir cette année donné suffisamment de pluie pour étancher la soif de nos terres, suffisamment de soleil pour aider nos fruits et légumes à murir, suffisamment de froid pour purifier l'air, suffisamment de chaleur pour fertiliser nos sols.
Oncle Anton sorti de son sac un morceau de pain, des fruits secs et une petite bouteille de lait.
– Je t'offre mon vieil ami le chêne une partie infime de ce tu nous a donné : du pain, des fruits et ce que les animaux ont produit, du lait.
Oncle Anton dispersa des miettes de pain autour du chêne ainsi que les fruits secs, il les distribuait à d'invisibles fantômes. Il reprit :
– Tant que l'homme honorera la nature, mon vieil ami le chêne, il sera relié à elle. Nous veillerons ensemble à ce qu'il en soit toujours ainsi. Je te remercie de cette année passée ensemble.
Puis, l'Oncle Anton versa du lait sur le tronc du chêne et s'agenouilla vers les bougies :
– La lumière a brillé pendant toute cette année et voilà que la nuit va devenir notre royaume pour un temps. Mais je sais moi, Anton le Druide, qu'elle reviendra au solstice d'hiver et qu'elle renaîtra, comme nous, nous renaîtrons à son contact. Puisse ce passage dans l'ombre nous donner l'humilité que réclame notre dépendance à la nature, pour la respecter, puisse ce temps de repos nous donner la force, puisse ce temps de solitude, couper de la lumière, nous élever vers les autres.
Oncle Anton resta en silence quelques instants et souffla sur les bougies. Il les éteignit une à une et quitta son vieil ami le chêne. Quand il eut regagné sa voiture, il écouta le message laissé par le Maire du village et sourit : « On fait appel enfin aux druides pour sauver le monde ! » s'exclama-t-il.
Conte, Littérature jeunesse, Tilian et l'Ankou Triste, Christian Dorsan, Éditions, Éditions Stellamaris
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Pourquoi choisir un thème sur la mort pour un conte ?
Je trouve ce sujet difficile à aborder avec les enfants et les adultes également, l’insérer dans un conte me semblait à la fois pédagogique et ludique, si on peut employer ce terme. Le personnage de l’Ankou habituellement fait peur, celui-ci n’échappe pas à la règle, le jeune Tilian ne peut pas apercevoir son visage dissimulé dans la capuche. Mais à la différence des autres représentations, il est presque « humain » dans son rapport à la vie, ce qui en fait un personnage proche.
La mort comme une proximité ?
On peut voir ça comme ça en effet, la mort fait partie intégrante de la vie, l’Ankou est là pour nous le rappeler : c’est le dernier mort de l’année qui prend le relai. Là aussi, il y une continuité dans l’Histoire de la mort, ce n’est pas un démon, mais un "ex " vivant qui vient officier. La mort fait peur car elle est une inconnue qui fascine et à la fois est l’objet de refus. Je peux appréhender la mort des autres, moi en tant que spectateur, mais comment appréhender la mienne ? Qu’est-ce qu’il y a après ? Le conte ne traite pas de ces sujets bien sûr, mais il peut être le point de départ de discussions entre parents et enfants. Et surtout le « pourquoi » de la mort.
C’est pour cette raison que l’on trouve le rituel du Druide pour la fête de Samain.
Absolument, comme pour ma nouvelle Ker Roen, j’ai inventé un rituel pour que le druide, Anton l’oncle de Tilian, puisse nous faire comprendre l’utilité du repos de la terre. Le druide remercie la nature d’avoir donné de quoi se nourrir pendant toute l’année et comprend qu’elle doive se reposer, observer une trêve, pour qu’elle puisse reprendre des forces. C’est aussi une manière de remettre l’homme au sein de la nature, en lien avec ce qui nous permet finalement de vivre. Aujourd’hui, on fête Halloween, la Toussaint est ringardisée, c’est une fête costumée, colorée, mais derrière cette fête, il n’y a plus de lien avec la symbolique. Le monde doit se reposer avant de réattaquer une nouvelle année. C’est aussi une façon de dire qu’il y a toujours un recommencement.
Vous pensez à la réincarnation ?
Pourquoi pas. Rien ne se perd, tout se transforme ! La vie est une énergie incroyable et je ne crois pas à sa disparition. Mais ceci est un autre débat.
Il y a de l’humour dans ce conte…
Oui bien sûr, à commencer par l’oncle Anton, le druide de la commune, les discussions avec l’Ankou aussi sont savoureuses. Il faut que la lecture reste plaisante. Il s’agit d’un conte quand même !
Vous écrivez sur l’Ankou, mais vous n’êtes pas breton !
Je suis tombé amoureux de la Bretagne il y a plus de vingt ans maintenant. J’aime voyager mais à chaque fois il faut revenir sur les côtes bretonnes. C’est une région exceptionnelle, j’y trouve beaucoup d’émotions et d’énergies. Quand je pense Bretagne, je pense à « ressourcer ». C’est une région où je me retrouve alors que je ne n’y suis pas originaire.
Venir en Bretagne, c’est comme rentrer à la maison : on s’y sent bien !
Propose recueillis pour les Editons Stellamaris, octobre 2018
Tilian et l’Ankou triste
Format 15*21 cm, 64 pages N&B
14.00 euros
« (…) dans une semaine c’est la Toussaint, c’est la fête de Samhain pour nous les druides, comme chaque année nous nous réunissons pour fêter ce moment de transition.
Quand l’oncle Anton parlait de ses activités, il devenait tout à coup sérieux et prenait des airs mystérieux.
– C’est un moment important de l’année car tout doucement la nature va sommeiller pour se reposer et ne se réveillera que pour à nouveau devenir fertile. Nous, les humains, nous dormons pour nous reposer et attaquer une nouvelle journée, eh bien pour la terre, c’est un peu la même
chose.
Il laissa passer un moment de silence et dit à voix basse :
– Et cette année, on a pas mal de boulot :une malédiction erre de part chez nous, on ne meurt plus dans le canton….(…)
Format 15*21 cm, 64 pages N&B Vous pouvez en consulter les premières pages en cliquant sur le mini wobook ci-dessous Pour les professionnels (libraires) : Joignez-moi par mail pour application de ...
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