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21 mars 2019 4 21 /03 /mars /2019 22:29
Au Poiss'd'or : Paname underground de l'entre deux guerres

"Il connut ainsi le grand frisson de partir, de s'en aller, sans rien dire… "

Les éditons Séguier ont eu la bonne idée de rééditer "Au Poiss d'or" d'Alec Scouffi. Ce contemporain de Crevel et de Radiguet n'est pas passé à la postérité et c'est un tort. Ce dandy tantôt poète tantôt chanteur lyrique ou éditeur qui entretint une correspondance avec Cavafy, démontre dans ce roman un véritable  talent d'écrivain.
Le Poiss'd'or est un de ces hôtels minables de Paris où s'échouent les prostituées et gigolos qui font les le bonheur des tasses de Montmartre. Paris fascine Pierre qui fuit le domicile de ses parents pour se rendre à la capitale. Sans ressource, il vend son corps et sa jeunesse, devient "Chouchou", le préféré de ses messieurs en mal d'aventure. Mais ce monde est celui aussi des trahisons, des sales coups qui le mèneront en prison. Le temps passe et Pierre n'est plus Chouchou, la jeunesse passe aussi vite que les saisons, il n'a plus la côte sur le marché.
Au Poiss'd'or, on rencontre pourtant de belles histoires, Chouchou tombe amoureux de Louise, mais celle-ci part avec un ouvrier sombre et jaloux. Seul, Chouchou ne se fait " plus d'illusion sur lui-même. Le tour du monde, ç'avait été simplement pour lui le tour de la Place Pigalle. Là ses espoirs étaient venus sombrer, là devait s'ébaucher et finir la folle aventure, le beau voyage dont il avait rêvé… Et Chouchou commençait à comprendre-trop tard peut-être- que le voyage de la Chair est le seul dont on ne revient pas."
Scouffi nous décrit le Montmartre interlope de l'entre deux guerres à travers les clients de Chouchou : un peintre en mal d'inspiration, un écrivain  mais aussi les bourgeois à la recherche de jeunes corps, des prostitué(e)s qui sombrent dans l'alcool et la drogue, un foule picaresque , haute en couleur, profondément humaine que la vie n'épargne pas.
Portrait réaliste d'une partie de la population qui n'aura jamais les honneurs des livres d'Histoire. 
Scouffi mêle une écriture romanesque à des dialogues d'argot, le rendu est un livre vivant avec des personnages auxquels on s'attache sans réserve.
Il y a aussi un désir d'authenticité dans les descriptions de ce monde souterrain qui peut être festif avec de la démesure, ou  sombre dans les passes clandestines et les corps que le jeune Chouchou va côtoyer.
Alec Scouffi sera assassiné chez lui et les gazettes ne manquèrent pas de se délecter de ce fait divers.
Remercions les éditions Séguier de faire remonter à la surface ces lignes lumineuses des bas-fonds de la Seine.
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